- Editeur : Gallimard
- Nombre de pages : 309 pages
- ISBN : 978-2-07-046303-9
- Disponible à la BU des Cerclades
Résumé de l’éditeur :
Parle-moi de ‘Là-bas’! Parle-moi surtout-surtout de la Marne, grand vent qui voyage sans répit de par le monde! On dit que Théodore est mort dans une tranchée. Je ne comprends pas. Pourquoi l’armée de ‘Là-bas’ se cachait-elle dans des trous au lieu de monter au front? Pourquoi y attendait-elle que le Teuton fonde sur elle? Man Hortense a perdu son fils Théodore, coupeur de canne émérite, à la bataille de la Marne, pendant la guerre de 14-18.
Mais elle ne comprend pas ce qui s’est réellement passé sur ce front si loin de la Martinique… Théodore faisait partie du ‘Bataillon créole’ dans lequel des milliers de jeunes soldats s’enrôlèrent pour aller combattre dans la Somme, la Marne, à Verdun et sur le front d’Orient, dans la presqu’île de Gallipoli et aux Dardanelles. C’est du point de vue martiniquais, celui des parents des soldats, que Raphaël Confiant a choisi de nous faire vivre cette guerre.
Il ya donc Man Hortense ; mais aussi Lucianise, qui tente d’imaginer son frère jumeau Lucien à Verdun : Euphrasie, la couturière, qui attend les lettres de son mari, Rémilien, prisonnier dans un camp allemand. Et, à leurs côtés, ceux qui sont revenus du front : rescapés, mutilés et gueules cassées créoles… Éloge de la mémoire brisée et sans cesse recousue, Le Bataillon créole donne la parole à ces hommes et à ces femmes qui, à mille lieues des véritables enjeux de la Grande Guerre, y ont vu un moyen d’affirmer leur attachement indéfectible à ce qu’ils nommaient la ‘mère patrie’.
Critique Le Bataillon créole (Guerre de 1914-1918)
« Ainsi d’oubli, il ne sera jamais plus question… », telle est la phrase qui clôt Le Bataillon créole.
Par ce roman, Raphaël Confiant fait en effet œuvre d’histoire et de mémoire. Il convoque le souvenir de ces Antillais, partis combattre loin de leur terre natale durant la Guerre de 14-18. Le « bataillon créole », dans lequel s’engagèrent des milliers de Martiniquais, demeure encore méconnu.
Parmi eux, nous croisons Lucien, Théodore, Rémilien et d’autres encore. Partis la fleur au fusil pour libérer la « mère patrie », ils ne tardent pas à découvrir l’atrocité du front. Pendant ce temps, ils laissent qui une mère, qui une sœur, qui une famille. Ils reviendront « gueules cassées » ou perdront la vie au combat.
Roman qui navigue sans cesse entre les soldats et ceux qui restent, le Bataillon créole se joue du récit classique. Marqué par l’oralité, il est de ces « chanters rauques du bel-air, (…) des biguines mélancoliques, (…) des contes », pour reprendre les mots de l’auteur.
Le lecteur est pris dans une spirale narrative, mené d’une rive à l’autre de l’Atlantique. « Là-bas », Verdun côtoie les taxis de la Marne et les Dardanelles, pendant qu’ « Ici-là » on pleure l’absence et on raconte la déclaration de guerre à côté de l’éruption de 1902.
Fragmentée, la trame de la mémoire se tisse peu à peu.
L’auteur porte son récit à travers de multiples voix et de multiples formes : récit distancié, lettres des poilus, plaintes d’une mère, souvenirs d’un homme.
L’on y découvre une société martiniquaise encore marquée par un esclavage que l’on veut taire et oublier. Il s’agit pour la colonie d’exister aux yeux de la métropole, mais aussi de se venger du joug des Békés, ces Créoles blancs, anciens maîtres esclavagistes. Bien loin du théâtre de la guerre, les Antilles consentent pourtant à verser « l’impôt du sang » avec enthousiasme. Ainsi le scande l’hymne créole, véritable leitmotiv de l’œuvre.
Le français reste la langue des élites, qui sauve les soldats qui la maîtrisent, qui convainc du bien-fondé de la guerre. Le créole résiste néanmoins, y compris dans la langue composite de Raphaël Confiant.
Roman déroutant, parfois violent et profondément humain, le Bataillon créole fait revivre un pan d’histoire et rend justice au sacrifice de ces jeunes soldats. La statue du Soldat inconnu nègre, impassible et muette, rappelle à jamais leur engagement.